pour Sophie Binet, « rien n’est écrit d’avance »

Sophie Binet n’a pas dit son dernier mot sur la réforme des retraites. Dans un entretien au Journal du dimanche du 4 juin, la secrétaire générale de la CGT insiste sur l’importance de la mobilisation, à deux jours de la quatorzième journée d’action prévue à l’appel de l’intersyndicale.

« Rien n’est écrit d’avance pour la CGT. Jusqu’ici, on a déjoué tous les pronostics, déclare-t-elle. Cela fait six mois que l’intersyndicale est mobilisée, c’est énorme. Les suites dépendront du niveau de la mobilisation mardi et du vote le 8 juin. J’appelle donc tout le monde à descendre dans la rue. »

L’Assemblée nationale doit se pencher, jeudi, sur la proposition de loi déposée par le groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qui visait principalement à abroger le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, mais qui fut vidée de sa substance, le 31 mai, en commission des affaires sociales.

« Nous avons marqué des points cruciaux : on a gagné la bataille des consciences, remis le syndicalisme au centre et fait perdre à Emmanuel Macron toute majorité sociale et politique. Et, oui, je le confirme : il est encore temps qu’il retrouve la raison et renonce à cette réforme », assure-t-elle.

« Emmanuel Macron fait la courte échelle à l’extrême droite »

Si les amendements des oppositions pour réintroduire l’abrogation du report de l’âge légal à 64 ans sont rejetés en vertu de l’article 40 de la Constitution, vidant de sa substance le vote de la proposition de loi LIOT le 8 juin, « ce sera un pur scandale démocratique », avertit-elle. « Jamais il n’y a eu une telle entrave sur une proposition de loi », juge-t-elle. « C’est inédit et cela créerait un lourd précédent », insiste la responsable syndicale, se disant « très inquiète de la montée de l’extrême droite ». « Si elle arrive au pouvoir demain, ces manœuvres autoritaires pourront faire école », craint-elle.

Interrogée sur les propos d’Emmanuel Macron qui a recadré la première ministre Elisabeth Borne pour avoir qualifié le Rassemblement national (RN) d’« héritier de Pétain », elle juge que « c’est extrêmement choquant ». « Cela confirme qu’Emmanuel Macron fait la courte échelle à l’extrême droite alors qu’il a été élu pour lui faire barrage. Le RN n’a jamais été aussi élevé que depuis son accession au pouvoir. Il porte une responsabilité écrasante ».

Concernant le projet du gouvernement de conditionner le versement du revenu de solidarité active (RSA) à des heures d’activité obligatoires, M^me Binet y voit une « stigmatisation scandaleuse des personnes privées d’emploi ». « Quand on a 530 euros par mois, on ne vit pas. Ce n’est pas un privilège qui permet d’aller se dorer la pilule », juge-t-elle.

Nouveau visage de la CGT depuis son élection à sa tête il y a deux mois pour succéder à Philippe Martinez, Sophie Binet se félicite d’une forme d’unité retrouvée à l’occasion du combat contre la réforme des retraites, dans un syndicat marqué par des fractures entre réformistes et radicaux. Elle annonce « 30 000 nouveaux syndiqués depuis le début de la mobilisation », et lance un appel à une plus grande syndicalisation. « N’attendons pas que les choses viennent d’en haut », conclut-elle.